ArtRencontre et Slavko Kopac
Afin de présenter Slavko Kopac et de mettre en avant sa spécificité, nous choisi de reprendreses mots. Personne mieux que lui n’a parlé de son oeuvre. Kopac était un homme simple qui abordait la vie et la création avec modestie. Il a toujours vécu de manière frugale sans chercher à rivaliser ou à se mettre en lumière. C’est par le moyen, apparem-ment simple de la peinture et des matériaux peu onéreux, qu’il a exprimé tout ce qu’il avait à exprimer. La force de l’oeuvre de Kopac réside dans sa qualité primaire, nue et rudimentaire. Elle trouve ses sources dans le fond de son être. Projection de son intériorité, et fruit d’une individualité non filtrée et non déguisée, elle donne à voir un univers singulier et complexe. En rejetant toute forme de réalisme et d’académisme, Kopac a fait de l’expression le fondement de son art; ce qui a fait dire qu’il se rapprochait de l’esprit de l’Art Brut, sans pour autant en être.

Kopac a su dialectiser les pôles opposés de la création: prendre pour mieux redonner, transformer le savoir-faire ap-pris à l’Académie des Beaux-Arts en une oeuvre originale et authentique. t’oeuvre de Kopac combine savamment les contraires. Son oeuvre rassemble la planéité des surfaces et l’épaisseur de la matière, la légèreté des papiers collés et la densité de la terre glaise, l’opacité du pastel et l’éclat de la lave émaillée, la fluidité des lavis et la lourdeur du caout-chouc, la figuration et l’abstraction, l’écrit et la forme. Kopac est un artiste qui a travaillé à son indépendance. Peu d’expositions ont été organisées de son vivant, peu de galeries l’ont promu, à sa volonté. Par la singularité de sa personnalité et de son oeuvre, il occupe une place unique sur la scène artistique internationale. Josip Depolo, célèbre critique d’art croate, écrivait à son sujet, à l’occasion de la rétrospective de 1977 à Zagreb: ‘Kopac est l’un des rares peintres qui est parti à Paris poury amener quelque chose et non poury prendre quelque chose. De son oeuvre, ressortent des résonances universelles où s’entremêlent à la fois l’histoire du XXème siècle et l’imagi-naire d’un homme partagé entre deux pays. Son oeuvre laisse transparaître son attachement à sa région natale — la Slavonie—et son ancrage dans la ville des Lumières.
La Collection Kopac, débutée en 2017, est née du désir de réévaluer la place et l’apport de ce peintre dans l’histoire de l’art international. Dans le respect de l’intention de l’artiste, elle se donne pour mission de préserver l’oeuvre de Kopac en un tout cohérent et de donner à voir sa richesse et son amplitude. Ce catalogue, en exposant ses oeuvres de manière chronologique—de sa première période croate à ses années parisiennes, espère démontrer en quoi l’art de Kopac constitue une contribution indéniable à Paris et au monde entier.
La Collection Kopac repose sur cet engage-ment d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Kopac est un artiste novateur en avance sur son temps. Il a rejeté le savoir académique pour se tourner vers des mo-tifs plus intérieurs voire inconscients— les racines de la spiritualité et de l’âme humaines. Son art a quelque chose de surréaliste, de brut et de naturel. Il frôle les catégories sans jamais tomber dans aucune. Kopac rencontre Dubuffet peu de temps après être arrivé à Paris en 1948. Ce dernier, séduit par les premières oeuvres de Kopac créées à Florence, le nomme responsable du Foyer de l’Art Brut, où il remplace Michel Tapié. Kopac se consacre plus de 20 ans à la collection de l’Art Brut (jusqu’à son déménagement à Lausanne). Il représente, aux côtés de Dubuffet, une personne clé dans la création d’un concept artistique qui a renouvelé l’histoire du goût de manière fondamentale. En plus de recevoir l’admiration de Dubuffet, le talent exceptionnel de Kopac a été confirmé par André Breton, qui, peu après leur première rencontre en 1949, lui confie l’illustration de son poème Au regard des divinités. Breton l’invite réaliste A l’étoile scellée en 1953.

Michel Tapié, de son côté, le présente, en 1952, dans son livre Un Art Autre, comme un des plus grands artistes initiateurs de l’art informel.
C’est à travers l’ensemble de l’oeuvre de Kopac que l’on apprend à mieux connaître un artiste qui ne s’intéressait pas à la promotion, à la vente ou à l’exposition de son travail. Il disait que la création était sa seule source de bonheur et de joie. Derrière un style rapproché, peut-être à tort, des arts ‘primitif- voire des enfants, ses sujets transmettent quelque chose de profond et de touchant. Kopac capte de la nature et des hommes, leurs qualités les plus élémentaires. Kopac a vécu en toute modestie et dans l’anonymat, hors des cercles marchands; ce qui a, malheureusement, mené au fait qu’il n’a pas reçu la reconnaissance qu’il mérite certainement. La Collection Kopac et le livre qui la promeut souhaitent changer cet état des choses et permettre la réévaluation de l’ceuvre de Kopac à sa juste valeur.

Slavko Kopac, né en Croatie où il a étudié, a déménagé définitivement à Paris en 1948. Il y est resté jusqu’à sa mort en 1995. La singularité de son oeuvre et son implication dans le monde de l’art de l’après Seconde Guerre mondiale en font une figure majeure de l’art moderne et contemporain. Son origine et sa modestie quant à la promotion de sa personne et de son oeuvre expliquent en grande partie que sa contribution à l’histoire de l’art n’a pas été autant valorisée que celle des artistes, écrivains, critiques d’art qu’il côtoyait— notamment, Dubuffet, Breton, et Tapié qui appréciaient pourtant énormément son oeuvre. Beaucoup—telle Annie Le Brun, son compatriote Radovan Ivsic, le critique d’art Michel Ragon — ont loué son talent, sa capacité à transcrire dans la matière picturale et les matériaux inhabituels des sujets simples de manière visionnaire et quasi anthologique.
A la manière d’un alchimiste, Kopac unit l’esprit et la matière, le tangible et l’intangible. En raison de son parcours, Kopac nous fait penser à un autre grand homme né en Croatie, Nikola Tesla. Ingénieur dune créativité éblouissante, Tesla a marqué l’histoire de l’humanité par ses inventions scientifiques. Émigré à New York, ses mérites et son travail ont été peu reconnus de son vivant. Le caractère futuriste et visionnaire de ses in-ventions a été apprécié progressivement après sa mort. Ni Tesla ni Kopac ne s’intéressaient au profit et à l’argent; ils vivaient au jour le jour, savourant le plaisir de créer et d’expérimenter. Nous estimons que la façon dont Tesla a contribué à la science et la manière dont le monde actuel lui est redevable, est comparable à l’apport de Kopac dans le monde de l’art. Il est certain que son oeuvre sera reconnue et appréciée dans l’avenir.

La Collection Kopac est un projet à but non lucratif dont la première mission, éloignée de tout intérêt financier, est de revaloriser l’artiste— l’humaniste, dirions-nous même—Slavko Kopac à l’échelle internationale. Nous considérons que l’oeuvre multidimensionnelle de Kopac est une oeuvre ouverte, au potentiel infini, qui a la capacité de renouve-ler notre regard. Difficilement définissable, son art échappe au temps et s’appréhende sur plusieurs niveaux. C’est exactement là où se trouve sa valeur spéciale. Dans cette perspective, la Collection Kopac a l’intention de dévoiler au public d’ici et d’ailleurs la richesse de son oeuvre à travers des expositions et en collaborant avec des galeries et des musées internationaux. En même temps, il s’agissait du dernier souhait de l’artiste qui ne s’est pas concrétisé jusqu’à présent. Grâce à ce livre, méthodiquement compilé pour que son oeuvre soit rendue sous ses plus beaux jours, son souhait commence à se réaliser et, nous l’espérons, continuera de grandir.