Elie Charles Flamand about Slavko Kopac
Mon cher Slavko
Perdre
Mais perdre vraiment
Pour laisser place à la trouvaille
Ces vers d’Apollinaire me viennent en mémoire chaque fois que je contemple l’un de vos tableaux et m’apparaît que le poète d’Alcools eût été l’admirateur de votre œuvre qui, plus que nulle autre, fait appel à la surprise qu’il donnait comme le principal élément de l’art moderne. Si ce ressort, ayant depuis lors trop joué, en est venu à perdre presque toujours de sa force, il n’en va pas de même chez vous, justement parce que vous avez su vous imposer cette ascèse du total dépouillement nécessaire à la trouvaille fusante.
Quelques habitués que nous soyons aux audaces modernes les plus éclatantes il nous est nécessaire, pour pénétrer véritablement dans le monde que vous nous donnez à voir, d’opérer à notre tour un peu de cette même ascèse en renonçant tout à fait aux chères esthétiques que, sans vouloir nous l’avouer, nous conservons afin de nous guider dans le labyrinthe pictural de notre temps.
Slavko Kopac ou l’innocence retrouvée, tel est le titre de l’étude que je souhaiterais pouvoir écrire un jour. Grand connaisseur de la production artistique universelle (des Primitifs à l’Art Brut) aussi bien qu’expert en toutes les techniques, même les plus hétérodoxes, vous avez suivi la voie indiquée par Kleist dans son Traité des Marionnettes (et qui fut celle d’un Nerval par exemple), selon laquelle la connaissance portée à son sommet se transmute en un état nouveau qui la dépasse. Alors fulgure enfin la lumière du premier jour. Définitivement dégagé d’une habileté paralysante, vous laissez à la matière la liberté de s’exprimer par elle-même, vous piégez l’inattendu. C’est ainsi que bien longtemps avant que les modes actuelles n’aient vulgarisé l’usage de l’objet trouvé, vous avez été l’un des premiers à “redonner vie à la chose qui semble avoir fini d’exister” selon votre propre expression.
L’univers que vous ordonnez rejoint tout naturellement celui de la poésie populaire slave qui a nourri votre enfance, univers dans lequel le visible est le reflet de l’invisible. A la fois cocasse et inquiétant, réaliste et visionnaire, votre monde synthétise les extrêmes et exprime avec puissance l’ambiguïté fondamentale du Cosmos. Mais il reste toujours de toute fraîcheur. Merci, cher ami, de votre perpétuelle invitation au pays des gnomes et des bêtes fées.